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Tribune publiée dans Libération le 11 octobre 2015

Justice en Syrie : la France doit aller plus loin

L’affaire syrienne a montré que les veto russe et chinois ont suffi à bloquer la justice internationale. Le seul espoir réside dans la généralisation d’une compétence universelle.

Publié le 13 octobre 2015

Par Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International-France, Simon Foreman, Président de la Coalition française pour la Cour pénale internationale, Françoise Martres, Présidente du Syndicat de la magistrature, Jean-Etienne de Linares, Délégué général de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture et Claudine Chiffaudel, ex-présidente-fondatrice du Comité d’aide aux réfugiés (Caar)

Le parquet de Paris a décidé, le 15 septembre, sur dénonciation du Quai d’Orsay, d’ouvrir une enquête préliminaire visant les responsables du régime syrien « pour crimes contre l’humanité ». Cette enquête se baserait sur le témoignage de « César », ex-photographe de la police militaire syrienne, qui a documenté le recours systématique à la torture en Syrie et a exfiltré ses photos. Ce récit, dont le gouvernement français a pris connaissance début 2014, est raconté dans le livre Opération César (Stock), publié le 7 octobre.

L’ouverture d’une enquête ne peut qu’être bien reçue par les ONG qui militent pour le développement de la justice internationale. Pourquoi se teinte-t-elle pourtant d’une certaine amertume ? On ne peut s’empêcher de se demander s’il n’aurait pas été possible d’agir plus tôt, sans attendre d’avoir atteint le chiffre de 250 000 morts. Ces quatre dernières années, la France a été très proactive auprès du Conseil de sécurité des Nations unies en faveur d’une justice internationale sur le dossier syrien. Mais pourquoi avoir tant attendu pour agir en France ?

Cette initiative sans précédent, et bienvenue, met toutefois en lumière les failles de la participation de la France au système international de répression des crimes de guerre et de crimes contre l’humanité mis en place depuis la création de la Cour pénale internationale (CPI) en 1998.

On a toujours su que la Cour pénale internationale ne pourrait pas juger à elle seule tous les crimes contre l’humanité qui se commettent sous toutes les latitudes. Tous les pays ne la reconnaissent pas, et une décision du Conseil de sécurité est alors nécessaire pour la saisir. Or, l’affaire syrienne a montré que les veto russe et chinois ont suffi à bloquer la justice. C’est pourquoi le statut de la Cour affirme en toutes lettres « qu’il est du devoir de chaque Etat de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ».

Or, c’est là que le bât blesse : malgré les promesses du candidat François Hollande en 2012, la France peine et tarde à mettre sa législation en conformité avec cet engagement. Une proposition de loi du sénateur Jean-Pierre Sueur, adoptée par le Sénat en février 2013, aurait doté la justice française d’une compétence universelle en réformant la loi du 9 août 2010. Elle attend, depuis deux ans et demi, d’être discutée à l’Assemblée nationale. Le Quai d’Orsay s’y est constamment opposé.

Son adoption aurait permis d’éviter cette situation où, pour tenter de justifier l’ouverture d’une enquête, les gendarmes en sont réduits à essayer d’identifier des Français ou des Franco-Syriens parmi les victimes - comme si, en matière de crimes contre l’humanité, et jusqu’au moment de rendre la justice, certaines victimes étaient plus méritantes que d’autres. Que fera-t-on si l’on n’y parvient pas ? Refermera-t-on l’enquête, en envoyant à la Syrie le message qu’elle peut continuer à torturer et à assassiner ses propres ressortissants sans que la France ne s’en émeuve davantage ?

C’est d’une compétence véritablement universelle, c’est-à-dire décorrélée de la nationalité tant des victimes que des criminels, qu’a besoin la construction d’une justice pénale internationale efficace. Cette compétence universelle existe déjà, sous une forme ou une autre, dans plus de 163 pays, et est actuellement mise en œuvre dans une centaine de procédures dans le monde. Elle permet aux justices nationales de prendre le relais de la Cour pénale internationale pour mettre fin à l’impunité qui trop souvent protège encore les auteurs de ces crimes qui heurtent la conscience de l’humanité tout entière. Nos responsables politiques viennent de poser un acte fort cette semaine. A eux de montrer, maintenant, s’ils veulent vraiment s’engager en faveur de la justice internationale. Si c’est le cas, ils doivent alors de toute urgence mettre le sujet à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

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