Index des mots-clés

Ouganda : le recours possible à l’article 16 du Statut de Rome

Publié le 22 mars 2007

Interview de M. Antoine Fobe [1]

M. Egeland, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires (OCHA), a déclaré en novembre 2006, que se présentait alors la meilleure chance pour parvenir à la paix dans le nord de l’Ouganda. Il a indiqué que le Conseil de sécurité des Nations unies devrait montrer son soutien aux pourparlers et encourager le gouvernement et la Lords Resistance Army (LRA) à parvenir à un accord définitif. Quelles seraient les conséquences d’un recours à l’article 16 [2] du Statut de Rome par le Conseil de sécurité ?

La présence de l’article 16 dans le Statut de Rome est déplorable. Avec la plupart des Etats et les autres organisations de défense et de protection des droits humains qui se sont exprimés lors de l’élaboration du Statut, Amnesty International avait dénoncé cet article comme ouvrant la porte à une interférence politique dans les travaux de la Cour pénale internationale (CPI). La nécessaire indépendance du procureur de la CPI en serait affectée. Malheureusement cet argument n’a pas été entendu. Pour mémoire, la France avait même, en 1996, préconisé quelque chose de plus radical : que l’ouverture de toutes les poursuites par la CPI soient systématiquement approuvées par le Conseil de sécurité, même lorsque la Cour était saisie par un Etat partie ou par le procureur… L’article 16 n’a pas connu d’application à ce jour. Au demeurant, il faut rester vigilants face aux velléités d’interférence, comme le démontre le fait que, en novembre, la question s’est posée, même si de manière fugace, aux Etats membres du Conseil de sécurité en rapport avec les propos de M. Egeland.

Face à cette situation quelle a été la réaction d’Amnesty International ?

Les sections d’Amnesty dans les Etats membres du Conseil de sécurité ont été invitées par le secrétariat international du mouvement à exhorter leurs gouvernements respectifs à refuser le recours à l’article 16 au cas où le Conseil devait être formellement saisi de la question. Amnesty International France, quant à elle, a écrit au ministre français des Affaires étrangères le 17 novembre pour lui rappeler l’atrocité des crimes commis par la LRA, notamment les dizaines de milliers d’enlèvements d’enfants pour en faire des enfants soldats et les viols – nous savions l’attention portée à ces questions par le Quai d’Orsay. Nous avons fait valoir que, s’il suffisait que les seigneurs de guerre de la LRA menacent de poursuivre les meurtres pour que le Conseil de sécurité suspende la procédure de la CPI, il n’y aurait aucune raison pour qu’ils ne renouvellent pas la menace une fois l’année écoulée, ni pour que quiconque prenne au sérieux les mandats d’arrêts de la CPI. Malheureusement, la réponse de M. Douste-Blazy, le 17 décembre, à notre courrier n’est que faussement rassurante puisqu’elle ne se fonde pas sur une position de principe : « Je tiens à vous assurer qu’aucune discussion relative à l’article 16 n’est actuellement engagée au sein du Conseil de sécurité. Pour notre part, nous considérons qu’une telle discussion serait prématurée en l’état actuel des pourparlers de paix. »

L’argument que les travaux de la CPI sont de nature à gêner le processus de paix n’est donc pas recevable ?

C’est l’argument classique que l’on entend chaque fois que l’on veut empêcher que la justice passe pour les crimes les plus graves, et qui pourrait se résumer comme suit : « pour donner une chance à la paix, mettons de côté la justice ». En réponse à cet argument, Amnesty International ne dira jamais assez qu’il ne peut y avoir de paix durable sans justice, condition nécessaire pour apaiser les esprits et éteindre le cycle de la violence qui se nourrit de vengeance. En ce sens, la justice ne saurait être vue comme un obstacle à la paix ; au contraire, elle doit être vue comme une condition essentielle de celle-ci.

Notes

[1] Responsable des affaires européennes et multilatérales chez Amnesty International France (AIF). AIF assure la présidence de la CFCPI.

[2] *Article 16 : « Aucune enquête ni aucune poursuite ne peuvent être engagées ni menées en vertu du présent Statut pendant les douze mois qui suivent la date à laquelle le Conseil de sécurité a fait une demande en ce sens à la Cour dans une résolution adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies ; la demande peut être renouvelée par le Conseil dans les mêmes conditions. » Note : la Chapitre VII décrit l’action du Conseil de sécurité en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression.

  1. Accueil du site
  2. La Cour pénale internationale
  3. Affaires et situations
  4. Nord de l’Ouganda
  5. Ouganda : le recours possible à l’article 16 du Statut de Rome

À propos

72-76, bd de la Villette

75019 Paris
France

La Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI) regroupe 43 associations, ordres et syndicats professionnels représentatifs des sensibilités de la société civile aux divers aspects de la justice pénale internationale.

Abonnement à notre lettre d'informations


Warning: Illegal string offset 'email' in /var/www/alternc/c/cfcpi/plugins/auto/abomailmans_2_0/formulaires/abomailman.php on line 16

Warning: Illegal string offset 'nom' in /var/www/alternc/c/cfcpi/plugins/auto/abomailmans_2_0/formulaires/abomailman.php on line 17
    • La newsletter de la CFCPI

Coalition française pour la Cour pénale internationale - CFCPI. Haut de page

Site réalisé avec Spip. Graphisme et développement : christophe le drean.