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Ligue des États arabes. La question de l’impunité et des atteintes aux droits humains dans les conflits armés doit être posée

Publié le 26 mars 2010

[|Ligue des États arabes|]

[|La question de l’impunité et des atteintes aux droits humains dans les conflits armés doit être posée|]

[|Index AI : IOR 65/001/2010|] [|ÉFAI|] [|26 mars 2010|]

À la veille du sommet de la Ligue des États arabes, prévu le 27 mars à Syrte en Libye, Amnesty International appelle les États membres de la Ligue arabe à faire du respect pour les droits humains et du droit international humanitaire la pierre angulaire de leurs délibérations lorsqu’ils passeront en revue les conflits qui affectent la région. Ces principes doivent présider de la même manière à tous les efforts entrepris pour résoudre les conflits en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, au Soudan, en Somalie et au Yémen. Dans tous ces conflits ce sont les civils qui continuent de payer un lourd tribut tandis que les États de la Ligue arabe ne marquent aucun empressement à demander des comptes aux auteurs de ces actes et laissent des considérations politiques prendre le pas sur leurs obligations au regard du droit international.

Amnesty International demande également instamment à la Ligue arabe de prendre des mesures concrètes pour que les responsables de violations graves des droits humains soient amenés à rendre des comptes et pour donner un signal sans équivoque montrant qu’elle ne perpétue pas une culture d’impunité.

À Gaza et dans le sud d’Israël, au cours des 22 jours qui se sont écoulés entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009, environ 1 400 Palestiniens ont été tués et quelque 5 000 autres blessés au cours d’une offensive militaire israélienne. Dans la même période, 13 Israéliens ont été tués, dont trois civils atteints pas des tirs indiscriminés de roquettes et de mortiers lancés par des groupes palestiniens armés dans le sud d’Israël. Après la fin du conflit, le Conseil des droits de l’homme a mandaté une mission d’établissement des faits, dirigée par le juge Richard Goldstone, pour enquêter sur les violations présumées du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits humains lors du conflit. La Mission, qui a rendu son rapport en septembre 2009, a établi que tant les forces israéliennes que les groupes armés palestiniens avaient commis des crimes de guerre et autres violations graves du droit international, voire même des crimes contre l’humanité, à Gaza et dans le sud d’Israël. Réagissant à ces conclusions, l’Assemblée générale des Nations unies a appelé le gouvernement israélien et la partie palestinienne à mener des enquêtes indépendantes, crédibles et conformes aux normes internationales sur les violations présumées.

Sur la base des informations soumises à ce jour aux Nations unies par les différentes parties et d’un certain nombre d’autres informations relevant du domaine public, Amnesty International considère que les mesures entreprises à ce jour par les parties concernées ne satisfont pas aux normes exigées par l’Assemblée générale des Nations unies en matière d’enquête. Amnesty International salue le soutien de la Ligue des États arabes, favorable à des enquêtes indépendantes et impartiales sur le conflit et d’accord notamment sur la nécessité pour le Conseil de sécurité des Nations unies de référer la situation à la Cour pénale internationale s’il se révélait que ni Israël ni le Hamas ne pouvait ou ne voulait mener d’enquête conforme aux normes exigées par l’Assemblée générale des Nations unies sur les atteintes aux droits humains qui auraient été commises par leurs forces.

Au Soudan, les élections présidentielle et législatives prévues en avril 2010 et le référendum prévu en janvier 2011 sur la question de la scission ou non du sud Soudan du reste du pays, seront des moments critiques au cours desquels la situation des droits humains dans le pays devra faire l’objet d’une surveillance particulière par la Ligue arabe.

Cette préoccupation est d’autant plus grande que les informations recueillies en 2009 et au début de 2010 font état d’une nette accentuation du conflit armé au sud Soudan. Selon les Nations unies, plus de 2 500 personnes auraient été tuées et 350 000 déplacées en raison de conflits entre différentes communautés ethniques au sud Soudan. Dans la région du Darfour, les attaques contre les civils ont continué et plus de 2,7 millions de personnes vivent toujours dans des camps de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Le gouvernement a repris ses opérations militaires aériennes et terrestres dans la région du Djebel Marra au Darfour en février 2010. L’offensive, qui a duré plus d’un mois, aurait fait des centaines de victimes et provoqué le déplacement de milliers de personnes. Aucune information précise n’est disponible, le gouvernement refusant le plein accès de la région à la Mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour (MINUAD) ainsi qu’aux organisations non gouvernementales (ONG) et aux agences de l’ONU.

Après l’émission d’un mandat international d’arrêt contre le président el Béchir par la Cour pénale internationale (CPI) en mars 2009 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, le gouvernement soudanais a expulsé 13 organisations internationales humanitaires du Darfour et fermé trois organisations nationales d’aide humanitaire et de défense des droits humains. La fermeture des ONG s’est accompagnée d’une vague de répression contre les défenseurs des droits humains au Soudan. De nombreux défenseurs des droits humains ont dû fuir le pays tandis que ceux qui sont restés ont été réduits au silence par le NISS, le service de la sécurité nationale et du renseignement. Ces dernières années, plusieurs défenseurs des droits humains ont été arbitrairement arrêtés et placés en détention au secret, certains auraient été torturés par le NISS tandis que d’autres ont fait l’objet de diverses formes d ‘intimidation, allant de la perquisition de leur domicile à la confiscation de matériel ou à la restriction de leur liberté de mouvement.

En décembre 2009, l’Assemblée nationale soudanaise a voté une loi réformant le NISS. La nouvelle loi accorde cependant toujours aux agents du NISS le pouvoir de perquisitionner, saisir, arrêter et maintenir en détention des personnes pendant 45 jours sans contrôle de la légalité de telles décisions par une autorité judiciaire. La loi accorde également l’immunité contre toutes poursuites pour violations des droits humains commises dans le cadre de leurs fonctions aux membres du NISS.

Pour réagir aux graves violations des droits humains qui continuent de se produire au Soudan, la justice doit être renforcée à tous les niveaux. Les personnes soupçonnées d’être responsables de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité doivent avoir à rendre compte de leurs actes. La Ligue des États arabes doit donc immédiatement revenir sur sa décision de rejeter le mandat d’arrêt émis par la CPI contre le président Béchir et coopérer avec la CPI.

Amnesty International appelle tous les États membres de la Ligue arabe à : appeler le gouvernement soudanais et les groupes d’opposition armés à immédiatement ordonner à leurs forces de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter des pertes civiles et à interdire spécifiquement toute attaque de civils au cours des opérations militaires dans le Djebel Marra et dans d’autres régions du Darfour ; l’organisation leur demande également d’accorder à la MINUAD et aux organisations humanitaires un accès illimité ; veiller à ce que, dans le mandat de la Mission d’observation électorale de la Ligue arabe, la surveillance des droits humains figure comme élément essentiel et à ce que les atteintes aux droits fondamentaux des personnes soient immédiatement signalées publiquement par la Ligue arabe et rapidement portées à l’attention du gouvernement soudanais.

En Somalie, particulièrement autour de la capitale Mogadiscio, le conflit armé en cours a provoqué en 2009 et début 2010 le déplacement de dizaines de milliers de personnes. Des milliers de civils ont été tués ou blessés au cours de la même période du fait du regain de violence, souvent parce que les parties au conflit n’ont pas pris les précautions nécessaires pour éviter de faire des victimes civiles. Quelquefois les attaques ont été menées sans discrimination ou de manière disproportionnée ou ont visé directement des civils en violation du droit international humanitaire. Les auteurs de violations du droit international humanitaire bénéficient d’une complète immunité en dépit de l’engagement du gouvernement fédéral de transition d’accorder une attention particulière aux questions de justice et de réconciliation en vertu de l’Accord de paix de Djibouti de 2008.

Amnesty International reste également très préoccupée par le manque d’adhésion aux normes du droit international et l’absence de responsabilisation effective en ce qui concerne l’aide militaire internationale et l’assistance au maintien de l’ordre au gouvernement fédéral de transition. En avril 2009, la Ligue arabe s’est engagée à accorder une aide de18 millions de dollars américains au secteur de la sécurité en Somalie. Selon le rapport de mars 2010 du Groupe de contrôle de l’ONU sur la Somalie chargé de contrôler l’embargo sur les armes à destination de la Somalie, « l’aide extérieure fournie au gouvernement fédéral de transition continue d’être une importante lacune dans l’application d’un embargo général et complet sur les armes, lacune qui permet l’acheminement d’armes, de munitions, de matériel et de compétences vers les groupes d’opposition armés. »

Amnesty International appelle les États membres de la Ligue arabe à : cesser toute fourniture d’armes, d’équipements militaires ou de sécurité et toute aide financière pour l’achat d’armes au gouvernement de transition jusqu’à ce que des mécanismes efficaces aient été mis en place visant à empêcher que cette aide matérielle soit utilisée pour commettre de graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains ; veiller à ce que les États membres respectent l’embargo de l’ONU sur les armes à destination de la Somalie et notamment l’obligation de demander des dérogations au Comité de sanctions des Nations unies pour tout envoi d’aide dans le domaine de la sécurité au gouvernement fédéral de transition de la Somalie ; exiger que les graves atteintes aux droits humains perpétrées contre des civils par toutes les parties au conflit fassent l’objet d’enquêtes par une commission d’enquête ou un mécanisme similaire.

Le Yémen risque de se trouver entraîné dans une spirale infernale de dégradation des droits humains au vu des mesures radicales prises par le gouvernement au nom de la lutte antiterroriste et en réaction aux atteintes aux droits humains commises par des groupes islamistes, dans le cadre du conflit dans le gouvernorat de Saada au nord et les troubles séparatistes au sud.

Depuis la tentative présumée d’attentat dans un avion au-dessus de Détroit en décembre dernier par un ressortissant nigérian qui aurait reçu un entraînement au Yémen, le gouvernement a encore durci sa répression contre les membres présumés d’al Qaïda, faisant des victimes civiles dans plusieurs opérations.

Dans le gouvernorat de Saada, les affrontements entre forces gouvernementales et Huthis, combattants armés membres de la minorité chiite zaïdite, ont connu un regain d’intensité en août 2009 et ont été marqués par de graves atteintes aux droits humains imputables aux deux camps avant l’annonce du cessez-le-feu en février ; quelque 250 000 personnes ont été déplacées de force à ce jour. Les forces militaires saoudiennes ont mené des attaques le long de la frontière avec le Yémen sans que des mesures adéquates soient prises pour protéger les civils. Le gouvernement yéménite a bouclé la région, étouffant toute information indépendante sur le conflit, tandis que les organisations humanitaires doivent faire face à des difficultés constantes pour acheminer l’aide aux personnes en danger.

Amnesty International appelle les États membres de la Ligue arabe à : demander instamment aux gouvernements du Yémen et de l’Arabie saoudite de respecter pleinement leurs obligations au titre du droit international humanitaire et relatif aux droits humains, y compris dans le contexte de la lutte antiterroriste, tant au niveau des lois que du discours et des pratiques ; veiller à ce que l’aide militaire ou en matière de sécurité accordée aux autorités yéménites ne soit pas utilisée pour commettre des atteintes aux droits humains ou des violations du droit international humanitaire.

Amnesty International note que l’ombre de l’impunité accordée dans le passé aux responsables d’atteintes aux droits humains planera sur le sommet de la Ligue arabe, qui se déroulera en l’absence de toute délégation de haut niveau venant du Liban en raison de la complicité présumée de la Libye dans la disparition forcée d’un chef religieux chiite libanais en 1978. Cet homme, Moussa al Sadr, a disparu avec deux de ses compagnons alors qu’ils se trouvaient en Libye et plus de 30 ans plus tard l’affaire n’a toujours pas été résolue. Les autorités libyennes nient toute responsabilité dans leur disparition forcée mais n’ont pas mené d’enquête approfondie, indépendante et impartiale ; en août 2008, un juge d’instruction libanais a émis un acte d’inculpation et décerné un mandat d’arrêt contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et six autres personnes accusées d’être responsables des disparitions forcées.

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