La France entend-elle s’affranchir des poursuites sur son territoire des responsables de crimes contre l’humanité, génocide et crimes de guerre ?

Paris, le 19 mai 2010 - Alors que la Commission des lois de l’Assemblée nationale française examine aujourd’hui le projet de loi d’adaptation au Statut de la Cour pénale internationale (CPI), la FIDH et la LDH souhaitent exprimer leurs vives préoccupations quant aux dispositions du projet de loi limitant l’application de la compétence extra-territoriale en France ; préoccupations partagées par le Comité des Nations unies contre la torture (CCT), qui publiait ses observations finales concernant la France le 14 mai dernier [1].

La FIDH et la LDH appellent ainsi les députés à amender le projet de loi et à supprimer les quatre verrous entravant l’exercice de la compétence universelle en France, comme cela a été recommandé en juillet 2009 par la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et en février 2010 par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH).

Nos organisations rappellent, en effet, que le projet de loi, tel qu’adopté par le Sénat en juin 2008, et qui est examiné par la Commission des lois de l’Assemblée nationale le 19 mai, comporte quatre principales limitations à la mise en oeuvre du principe de compétence universelle ou extra-territoriale pour les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le génocide.

La condition de résidence « habituelle » : les auteurs présumés de ces crimes internationaux pourraient être poursuivis seulement s’ils possèdent leur résidence « habituelle » en France. Aucun d’entre eux ne prendra évidemment ce risque, se satisfaisant fort bien de séjours plus ou moins prolongés en toute impunité sur le territoire français. Le CCT recommande ainsi, sur la même ligne que nos organisations, à la France de remplacer la condition de résidence habituelle par un critère de simple présence sur le territoire, en conformité avec la législation actuelle concernant le crime de torture.

Le monopole des poursuites confié au Parquet : les victimes de crimes internationaux ne pourraient plus se constituer parties civiles, c’est-à-dire engager des procédures contre les auteurs présumés de crimes contre l’humanité, crimes de guerre ou génocide. Cette initiative n’appartiendrait plus qu’au Parquet, dont l’expérience démontre la grande frilosité en l’espèce. A ce propos, le CCT exprime dans son dernier rapport sa préoccupation quant au système de l’opportunité des poursuites, qui confère au Procureur de la République un pouvoir discrétionnaire.

La condition de double incrimination, qui subordonne les poursuites en France à la condition que les faits soient punissables à la fois par le droit français et par la législation de l’Etat où ils ont été commis. Or précisément cet Etat peut très bien ne pas avoir prévu de disposition spécifique pour poursuivre les crimes concernés.

L’inversion du principe de complémentarité entre la Cour pénale internationale (CPI) et les juridictions nationales, ayant pour effet de remettre en cause l’obligation que le Statut de Rome a imparti à ces dernières de juger elles-mêmes, en priorité, les crimes internationaux [2] .

Dix ans après avoir ratifié le Statut de Rome, la France ne peut contrevenir à l’esprit et à la lettre de ce traité instituant la Cour pénale internationale, en refusant de se doter d’une législation permettant de lutter efficacement, sur son territoire, contre l’impunité des responsables des crimes internationaux les plus graves.

PDF - 225.5 ko
Communiqué de la FIDH et de la LDH

Contacts Presse : Karine Appy/Fabien Maitre + 33 1 43 55 14 12 / + 33 1 43 55 90 19

La FIDH est une organisation non gouvernementale de défense des droits humains, qui fédère 155 organisations dans plus de 100 pays. La FIDH a un statut consultatif auprès des Nations unies, de l’UNESCO et du Conseil de l’Europe et d’observateur auprès de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples.

Notes

[1] Pour plus de détails concernant les observations finales du Comité contre la torture sur la France, 14 mai 2010, voir le rapport disponible au lien internet suivant : http://www2.ohchr.org/english/bodies/cat/docs/CAT.C.FRA.CO.4-6.pdf

[2] Pour plus de détails sur le projet de loi et les amendements à apporter, voir le site de la Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI), dont la FIDH et la LIDH sont membres : www.cfcpi.fr

date de publication : 19 mai 2010

Ressources thématiques

Thèmes & mots-clés

Documents à télécharger

Communiqué de la FIDH et de la LDH
Communiqué de la FIDH et de la LDH (PDF ; 225.5 ko)

Lettre d’information

Retrouvez l’actualité de la CPI, les actions conduites par la CFCPI, des interviews, des événements... s'inscrire à la lettre

Juger enfin en France les auteurs de crimes internationaux

La CFCPI proteste contre le projet de loi voté au Sénat en juin 2008. Elle déplore que le mécanisme de compétence extraterritoriale ou universelle, fondamental dans la lutte contre l’impunité, ait été vidé de sa substance par la mise en place de quatre conditions cumulatives excessivement restrictives. Ces quatre conditions constituent autant de verrous qui rendront pratiquement impossible la mise en œuvre de cette disposition. lire la suite

Nicolas Sarkozy interpellé par le Président de la Conférence des Eglises Européennes

Le Président de la Conférence des Eglises Européennes (KEK), le pasteur Jean-Arnold de Clermont interpelle publiquement le Président de la République sur le projet de loi d’adaptation du droit pénal français à l’institution de la Cour pénale internationale qui doit être prochainement débattu à l’Assemblée nationale. Il dénonce un texte, qui rendrait impossible la poursuite en France des auteurs présumés de crimes internationaux (génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité). lire la suite

Assemblée Nationale : La Commission des Affaires étrangères se prononce en faveur de la compétence universelle

La Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI) se réjouit de l’adoption à l’unanimité, le 8 juillet, par la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, de plusieurs améliorations au projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale (CPI). lire la suite

Le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la CPI devant les commissions parlementaires

Plus de neuf ans après la ratification du Statut de Rome par la France le 9 juin 2000, aucune loi n’est encore venue mettre en conformité le droit pénal français avec le Statut de la Cour pénale internationale (CPI). Pour mettre fin à cette lacune, un projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la CPI donne lieu depuis le mois de juin à des auditions devant les commissions parlementaires. lire la suite

Réaction à la tribune de M. Kouchner et Mme Alliot-Marie dans Le Monde du 7 janvier 2010 : Il ne suffit pas d’avoir les juges. Il faut encore les lois qui leur permettent d’agir

La Coalition française pour la Cour Pénale Internationale (CFCPI) a pris connaissance de l’annonce par M. Kouchner et Mme Alliot-Marie de la création d’un pôle « génocides et crimes contre l’humanité » au tribunal de grande instance de Paris mais demande au gouvernement de faire en sorte qu’elle s’accompagne du vote de la loi adaptant le droit pénal au Statut de la CPI. lire la suite

L’applicabilité de la compétence universelle pour des actes de torture une nouvelle fois reconnue par les juges français

Paris, le 3 février 2010 - La FIDH et la LDH se félicitent de la décision de la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris du 26 janvier 2010 qui a rendu un arrêt favorable à la poursuite de l’instruction dans une affaire concernant des actes de torture, séquestration et disparition commis au Cambodge entre 1975 et 1979. lire la suite

Dix ans de retard pour la "patrie des droits de l’homme"

Dans un avis adopté le 4 février, la Commission Nationale Consultative des Droits des l’Homme (CNCDH) interpelle pour la quatrième fois le Premier Ministre afin qu’il saisisse rapidement l’Assemblée nationale du projet d’adaptation du droit français à l’institution de la Cour pénale internationale (CPI). lire la suite

Syndicat de la Magistrature. Lettre ouverte à Mme Alliot-Marie et M. Kouchner relative à la volonté de l’Etat français de lutter contre les crimes internationaux

Lettre ouverte relative à la volonté de l’Etat français de lutter contre les crimes internationaux adressée à Madame le garde des Sceaux et Monsieur le ministre des affaires étrangères lire la suite

Débat organisé par la CFCPI et le Barreau de Paris sur "Les enjeux français de la justice pénale internationale"

Alors que les tribunaux ad hoc sont en voie d’achèvement de leurs travaux et que les États parties au Statut de Rome se réuniront à partir du 31 mai prochain pour la Conférence de révision du Statut à Kampala (Ouganda), la Commission ouverte « Droits fondamentaux » du Barreau de Paris a souhaité dédier – en partenariat avec la Coalition française pour la Cour pénale internationale – l’une de ses séances aux enjeux français de la justice pénale internationale. Ce débat sera l’occasion de revenir sur l’engagement de la France à la construction et au renforcement de ce nouvel ordre juridique international. lire la suite

Assemblée générale du Conseil National des Barreaux : Motion sur l’adaptation du droit pénal à la Cour pénale internationale

Dix ans après la ratification du traité portant création de la Cour pénale internationale, la France n’a toujours pas adopté le projet de loi d’adaptation de notre droit pénal. Le Conseil national des barreaux demande à l’Assemblée nationale d’examiner rapidement ce projet de loi d’adaptation, sans retenir les dispositions adoptées par le Sénat qui restreignent ou empêchent en France la poursuite des crimes prévus par le Statut de Rome. lire la suite

Passage en Commission des lois du projet de loi sur la CPI. Amnesty International France exhorte les députés à amender le texte du Sénat

Paris, 18 mai 2010 – Amnesty International France (AIF) accueille avec satisfaction l’inscription à l’ordre du jour à la Commission des lois de l’Assemblée nationale du projet de loi portant adaptation en droit interne du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) le mercredi 19 mai. AIF demande aux députés de se saisir de cette étape clé pour supprimer les verrous du projet qui rendent presque impossible toute poursuite des responsables présumés de crimes de guerre, génocides et crimes contre l’humanité. lire la suite

La France entend-elle s’affranchir des poursuites sur son territoire des responsables de crimes contre l’humanité, génocide et crimes de guerre ?

Paris, le 19 mai 2010 - Alors que la Commission des lois de l’Assemblée nationale française examine aujourd’hui le projet de loi d’adaptation au Statut de la Cour pénale internationale (CPI), la FIDH et la LDH souhaitent exprimer leurs vives préoccupations quant aux dispositions du projet de loi limitant l’application de la compétence extra-territoriale en France ; préoccupations partagées par le Comité des Nations unies contre la torture (CCT). lire la suite

Mise au pas du Parlement : Le gouvernement défend l’impunité des bourreaux

Paris, le 25 mai 2010 - L’Assemblée nationale doit se prononcer incessamment sur le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale. La Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI) dénonce l’imposition par le gouvernement d’un vote conforme au texte adopté par le Sénat en juin 2008. Ce projet de loi, s’il était adopté en l’état, ferait de la France une terre d’impunité pour les auteurs des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. lire la suite

Motion de la Conférence des Bâtonniers sur le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la CPI

Sur rapport de Monsieur le Bâtonnier Claude Duvernoy, la Conférence des Bâtonnier de France et d’Outre Mer souhaite que "les quatre conditions restrictives posées par le Sénat à l’exercice de la compétence universelle ou extraterritoriale en France soient levées". Elle a demandé au "gouvernement d’inscrire dans les plus brefs délais le projet de loi sur le calendrier parlementaire et de l’amender dans un esprit conforme à la lettre et l’esprit du Statut de Rome". lire la suite

Conférence de presse CNCDH/CFCPI le 6 juillet 2010. Justice pénale internationale : la France doit clarifier son engagement

L’Assemblée nationale examinera le 12 juillet prochain le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale (CPI). A l’approche de l’examen du projet de loi en séance publique, la CNCDH organise, en collaboration avec la CFCPI, une conférence de presse afin d’appeler l’attention des pouvoirs publics et des parlementaires. lire la suite

Justice internationale. Le gouvernement doit accepter le débat à l’Assemblée nationale

Lundi 12 juillet, l’Assemblée nationale examinera un texte qui doit permettre à la France de juger les criminels de guerre, les génocidaires et les criminels contre l’humanité. La Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI) dénonce la volonté du gouvernement de forcer un « vote conforme » pour éviter tout débat et, en pratique, empêcher toutes poursuites devant les tribunaux français. lire la suite

Justice internationale : La CFCPI consternée par le vote de l’Assemblée nationale

La Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI) est consternée par l’adoption sans amendements, ce matin le 13 juillet, du projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale (CPI). lire la suite

Recours devant le Conseil constitutionnel sur la loi portant adaptation du droit pénal interne français à l’institution de la Cour pénale internationale

Soixante députés et soixante sénateurs ont déposé le 20 juillet un recours devant le Conseil constitutionnel sur la loi portant adaptation du droit pénal interne français à l’institution de la Cour pénale internationale votée le 13 juillet dernier par l’Assemblée nationale. lire la suite

Le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale

Le 5 août 2010, le Conseil constitutionnel a statué sur la loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale (CPI) dont il avait été saisi par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs. lire la suite