C’est sans grande surprise que Khartoum déniait toute légitimité à la CPI, le 26 février 2007, en s’estimant capable de juger ceux qui ont commis des crimes au Darfour.
Ces propos faisaient suite à la présentation par le Procureur de la CPI des éléments de preuve qui indiquent qu’Ahmad Muhammad Harun, ancien Ministre d’Etat chargé de la sécurité au Gouvernement soudanais, et Ali Kushayb, dirigeant des Milices djandjawid, ont commis de concert des crimes contre la population civile au Darfour. 51 chefs d’accusations pour crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, perpétrés entre août 2003 et mars 2004 contre des villageois de l’ouest de la région soudanaise du Darfour, ont été retenus contre les deux individus. Cette annonce intervient quatre ans presque jour pour jour après le début du conflit qui a fait plus de 250.000 morts selon l’ONU et près de 2 millions de déplacés.
La suite de l’affaire appartient désormais aux juges de la CPI. Ils devront examiner ces preuves et décider si les deux responsables cités par le parquet doivent être placés sous mandat d’arrêt ou simplement assignés. Les preuves remises aux juges par le Bureau du Procureur tendent à mettre au jour qu’Ahmad Harun et Ali Kushayb ont « partagé l’objectif illégal de persécuter et attaquer les populations civiles au Darfour ». Dans sa requête le Procureur accuse Ahmed Haroun d’avoir armé et financé les miliciens djandjawids, conduites Ali Kushayb, « sachant qu’ils combattaient aux côtés des forces gouvernementales ». Ces milices ont fait régner la terreur sur plusieurs villages de l’ouest de la province du Darfour, en systématisant « les meurtres de masses, les exécutions sommaires et les viols des civils ».
Le Procureur n’a pas pu enquêter sur place
L’équipe du Procureur a effectué plus de 70 missions dans 17 pays et a étudié les cas de centaines de victimes potentielles pour recueillir suffisamment de preuves. Ces témoignages n’ont toutefois jamais pu être recueillis sur les lieux des exactions, le Procureur s’estimant dans l’incapacité de pouvoir protéger les témoins interrogés sur le territoire même du Darfour.
La CPI a également pu bénéficier des résultats de la Commission d’enquête internationale au Darfour mandatée par les Nations unies, laquelle avait conclu en janvier 2005, que 51 personnes étaient impliquées dans la perpétration de crimes contre l’humanité au Darfour. C’est sur la base des conclusions produites par cette Commission que, le 31 mars 2005, le Conseil de sécurité des Nations Unies avait saisi la CPI.
Khartoum manœuvre contre la CPI
La CPI n’est compétente pour juger les responsables de crimes contre l’humanité que si les juridictions nationales ne peuvent ou ne veulent pas les juger elles-mêmes. Cherchant la parade juridique, Khartoum a annoncé qu’il poursuivrait trois citoyens soudanais, y compris Ali Kushayb, accusés par la CPI. Leur procès a été reporté en raison de la contestation des accusations par les trois accusés. Cette tentative du gouvernement soudanais visant à devancer la CPI a échoué puisque le Procureur, Luis Moreno Ocampo, s’est estimait toujours compétent dès lors que les crimes visés à l’encontre du chef de milices par Khartoum étaient différents de ceux de la Cour. Le Procureur a demandé aux juges de délivrer des mandats d’arrêts ou d’assigner les deux hommes à comparaître devant la Cour de La Haye, tout en ajoutant qu’il appartiendra alors à Khartoum de coopérer, selon ses obligations, en transférant les deux responsables à La Haye. La demande de coopération formulée par le Procureur a été relayée par Washington, témoignant d’un soutien inattendu à la CPI.
Lire à ce sujet l’interview de J.L Washburn
date de publication : 5 avril 2007
Retrouvez l’actualité de la CPI, les actions conduites par la CFCPI, des interviews, des événements... s'inscrire à la lettre
Résume des recommandations de la CFCPI aux parlementaires sur le projet de loi portant adaptation du droit pénal français au Statut de la Cour pénale internationale lire la suite
L’Assemblée des Etats parties élit trois nouveaux juges lire la suite
Questions et réponses sur la compétence universelle lire la suite
Mai 2008 lire la suite
La CPI annonce l’arrestation, en Belgique, de l’ancien vice-président de la République démocratique du Congo, Jean-Pierre Bemba, recherché pour les crimes commis par ses troupes en Centrafrique en 2002-2003 lire la suite
Après le vote du Sénat, la CFCPI dénonce un texte complaisant lire la suite
Rachida Dati a annoncé la pleine reconnaissance par la France, à compter du 15 juin, de la compétence de la Cour pénale internationale lire la suite
Après l’arrestation de Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président de RDC accusé de crimes commis en Centrafrique, c’est aujourd’hui le chef d’Etat soudanais qui est visé, à propos du Darfour. lire la suite
Human Rights Watch dresse le bilan de cinq années de fonctionnement de la CPI et formule quelques recommandations lire la suite
Ratification du Suriname et des Iles Cook lire la suite
Télécharger l’intégralité du débat au Sénat sur le projet de loi d’adaptation au Statut de Rome lire la suite
La CFCPI proteste contre un texte que ses auteurs ont voulu rendre inapplicable. lire la suite
Avec l’autorisation du Monde.fr nous reproduisons cette tribune publiée à l’occasion du dixième anniversaire de l’arrestation du général Pinochet. lire la suite
Avec l’autorisation de Charlie Hebdo, nous reproduisons cet article lire la suite