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AMNESTY INTERNATIONAL DÉCLARATION PUBLIQUE AILRC-FR Index : IOR 53/021/2012 16 octobre 2012

Déclaration et recommandations concernant le Débat public du Conseil de sécurité sur le thème « Paix et justice – le rôle de la Cour pénale internationale »

Publié le 24 octobre 2012

Amnesty International salue l’ouverture du Débat public du Conseil de sécurité sur le thème « Paix et justice – le rôle de la Cour pénale internationale » organisé le 17 octobre. Ce débat représente une occasion majeure pour les États de se pencher non seulement sur les 10 premières années de la Cour pénale internationale (CPI), mais aussi plus précisément sur la relation s’établissant entre la Cour et le Conseil de sécurité.

Le 10e anniversaire de la création de la CPI, en 2012, marque un jalon important dans l’évolution du système de justice internationale. Son existence même témoigne de la détermination de la communauté internationale à mettre un terme à l’impunité pour les crimes relevant du droit international. Au cours des 10 dernières années, la CPI est devenue partie intégrante du système mondial de justice pénale.

Cependant, elle est confrontée à de nombreux obstacles qu’il convient de surmonter pour qu’elle puisse jouer le rôle essentiel qui lui revient dans la lutte contre l’impunité, notamment en garantissant la coopération de tous les États et un financement suffisant lui permettant de répondre aux nombreuses situations dans le monde où des crimes relevant de sa compétence ont été ou sont commis.

La Cour pénale internationale peut contribuer fortement à appuyer la réalisation du mandat du Conseil de sécurité, à savoir le maintien de la paix et de la sécurité internationales. En témoignent les décisions du Conseil reposant sur le Chapitre VII de la Charte des Nations unies de saisir le procureur de la CPI des situations au Darfour et en Libye – résolutions 1593 (2005) et 1970 (2011) respectivement.

Toutefois, le fait que le Conseil de sécurité se soit abstenu de saisir le procureur d’autres situations où des crimes ont été commis en dehors de la compétence immédiate de la CPI ouvre la voie aux accusations de politisation de la Cour et sape la crédibilité du Conseil. Plus particulièrement, depuis avril 2011, Amnesty International a demandé à plusieurs reprises au Conseil de sécurité de saisir le procureur de la CPI de la situation en Syrie. Dix-huit mois plus tard, alors que le bain de sang se poursuit, le Conseil de sécurité doit prendre cette initiative tant attendue et solliciter la justice internationale. Amnesty International engage tous les États membres de l’ONU à appuyer la récente initiative de la Suisse visant à adresser en ce sens un appel collectif des États membres de l’ONU au Conseil de sécurité.

On ne saurait accepter que les membres permanents du Conseil de sécurité laissent planer la menace d’utiliser leur droit de veto pour bloquer les renvois ou d’autres mesures visant à répondre à des crimes de droit international. L’absence d’action efficace vis-à-vis de situations telles que la Syrie remet en question la capacité du Conseil de sécurité à accomplir le mandat qui lui a été confié. Le récent projet de résolution sur le Suivi des résultats du Sommet du Millénaire (plus connu sous le nom de « Résolution des S-5 ») préconisait que les membres permanents du Conseil de sécurité envisagent de « s’abstenir de recourir au droit de veto pour bloquer une décision que le Conseil pourrait prendre pour prévenir ou faire cesser un génocide, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité ».

Amnesty International exhorte tous les États membres de l’ONU à insister pour que les membres du Conseil de sécurité souscrivent à cet engagement. Tant sur la situation au Darfour qu’en Libye, le travail de la CPI a été miné par les lacunes des résolutions 1593 et 1970, et par le fait que le Conseil de sécurité n’a pas soutenu son travail ni mis l’accent sur la coopération. En particulier, il n’existe pas de fondement raisonnable venant étayer la décision du Conseil de sécurité de se contenter de prier instamment tous les États de coopérer avec la Cour, au lieu de l’exiger, comme il l’avait fait lors de la création du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (résolution 827) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (résolution 955).

Il est particulièrement navrant d’observer l’inaction du Conseil de sécurité face à l’absence de coopération, notamment lorsque les saisines auprès de la CPI impliquent des États parties au Statut de Rome. Le Conseil s’est abstenu de prendre des mesures quant aux déplacements du président Omar el Béchir à l’étranger, au cours desquels il n’a pas été arrêté, et de demander le transfert à la CPI de Saïf al Islam Kadhafi (avant que la Libye ne dépose une contestation de recevabilité de l’affaire) et d’Abdullah al Senussi. Il n’est donc guère surprenant qu’aucun des suspects faisant l’objet de mandats d’arrêt au Darfour et en Libye n’aient encore été remis à la CPI.

Cependant, le Conseil de sécurité n’est pas demeuré totalement inactif. Amnesty International salue sa prompte réaction face à la détention de quatre membres du personnel de la CPI en Libye, courant 2012. Cette situation montre qu’il faut garantir que les saisines exigent de tous les États la mise en oeuvre de l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI. En outre, le Conseil a contribué à lever l’interdiction de voyager visant Laurent Gbagbo, afin qu’il puisse être remis à la CPI. Il importe d’inclure une clause d’exemption de l’interdiction de voyager dans les cas de transfert d’un inculpé à la CPI.

Par ailleurs, depuis que le Conseil de sécurité a refusé de renouveler ses décisions portées par les résolutions 1422 et 1487, qui visaient de manière illégale à empêcher la CPI d’exercer sa compétence à l’égard de ressortissants d’États non parties au Statut de Rome pendant une période d’un an, il n’a pas cherché à reporter des investigations ou des poursuites au titre de l’article 16 du Statut de Rome. Les saisines au titre de l’article 16 sont contraires dans tous les cas à l’esprit et à l’objectif du Statut de Rome et, si elles sont mises en oeuvre, permettraient aux inculpés de faire chanter la communauté internationale pour obtenir indéfiniment des renouvellements d’un an. Amnesty International se réjouit vivement que le Conseil de sécurité ait refusé d’examiner les propositions visant à surseoir à la procédure intentée contre le président Omar el Béchir.

La relation qui s’établit entre le Conseil de sécurité et la CPI depuis 10 ans montre que les États parties au Statut de Rome qui sont membres du Conseil ont une responsabilité particulière s’agissant de contrer la politisation de la CPI par le Conseil. Il est regrettable que ces États parties, en bien des occasions, n’aient pas poussé le Conseil de sécurité à agir de manière cohérente et à soutenir le travail de la CPI. Fait troublant, certains États ont soutenu des saisines au Conseil de sécurité, avant de s’opposer à l’octroi de ressources supplémentaires pour que la CPI puisse enquêter et engager des poursuites. Aussi Amnesty International soutient-elle le renforcement du rôle des États parties au sein du Conseil par la mise sur pied d’un « Caucus du Statut de Rome ».

Dans le droit fil de ces observations, Amnesty International exhorte les États participant au Débat public à : • exprimer leur vif soutien à la Cour pénale internationale et demander au Conseil de sécurité d’appuyer son travail ; • demander au Conseil de sécurité d’adopter une démarche cohérente s’agissant des saisines, notamment en invitant les membres permanents du Conseil à ne pas utiliser leur droit de veto pour bloquer une telle décision ; • engager le Conseil de sécurité à saisir sans plus attendre le procureur de la CPI de la situation en Syrie ; • inciter le Conseil de sécurité à remédier aux lacunes des résolutions 1593 et 1970, notamment en demandant à tous les États de coopérer avec la CPI et de respecter l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI ; • demander d’inclure une clause d’exemption de l’interdiction de voyager dans les cas de transfert d’un inculpé à la CPI ; • inviter le Conseil de sécurité à suivre les saisines en soutenant le travail de la CPI et en insistant sur la coopération, notamment en réagissant rapidement aux cas de noncoopération que lui soumet la CPI ; • se prononcer en faveur d’un financement suffisant pour que la CPI puisse prendre en compte toutes les saisines du Conseil de sécurité ; • inviter le Conseil de sécurité à ne pas reporter toute enquête ni toutes poursuites au titre de l’article 16 ; • soutenir la mise sur pied d’un « Caucus du Statut de Rome » des États parties au sein du Conseil de sécurité.

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